Le premier photographe de guerre Carol Popp de Szathmari (1812 – 1887)
Guerre de Crimée – Guerre d’Orient (1853-1856)
1) On a écrit sur Fenton, Roberston, Beato
L’anglais Fenton, arrive en tant que photographe attaché aux forces anglaises, elles mêmes arrivées, en renfort des français.
Après un voyage plein de péripéties et un naufrage où le materiel sera perdu, Fenton débarque enfin à Balaclava en mars 1855 soutenu financierement par un éditeur de livres illustrés sur l’actualité et par des financements officiels du ministère anglais de la guerre.
Il engagea du personnel d’assistance et remplit 36 caisses d’équipements. Fenton utilisa les expositions, arrangeant les scènes, laissant croire à des photos instantanées mais dans lesquelles le genre tableau classique est facilement reconnaissable.
Ses sujets de prédilection furent les portraits, parfois avec une absence de spontanéité mais dans un décor authentique .Cependant Fenton, sans doute en gentleman, évitera les morts et les blessés. Malade du choléra, Fenton se retirera vers Londres en septembre 1855 avant la chute de Sébastopol.
Quelques mois après son retrait, James Roberston alors directeur de la monnaie impériale de Sébastopol, aussi photographe et accompagné de Beato prirent des clichés des victimes et des destructions. Les vues de Sébastopol prises par Roberston furent exposées ave succès en 1856 à Londres au coté de ceux de Fenton. Beato orienta sa carrière vers le reportage de guerre comme celles de l’opium en Chine et de la campagne de Kartoum en 1884.
2) Il reste à écrire sur Carol Popp de Szathmari, premier reporter de guerre au monde
Avec son laboratoire installé dans une carriole, Carol Popp de Szathmari arrive en avril 1854 (bien avant donc Fenton) sur le théatre des opérations.
Photographiant à Bucarest les soldats et officiers des deux camps russes et turcs, selon le mouvement du front, le photographe utilisera le procédé du collodion humide sur verre mis au point par l’anglais Archer. Ces plaques enduites de collodion ensuite plongées dans un bain de nitrate d’argent ont besoin d’une manipulation rapide mais aussi permettent des temps d’expositions de 10-15 secondes, adaptés au reportage.
L’intrépidité de notre photographe ne sera pas épargnée de tout danger, le boulet turc de la bataille d’Oltenizta en avril 1854 lui sifflant aux oreilles.
Défileront alors devant l’objectif, le farouche cosaque, ce pirate du désert de glace mais aussi le Baschi bouzouk au teint cuivré par le soleil de l’Orient, les deux camps l’ayant autorisé à photographier.
Dans les champs brûlés de chaleur, plein d’agitation et de bruit, il faut imaginer le photographe tirant le portrait et ses vues de paysages avec ses produits achetés à grands prix de Vienne ou Paris.
Le résultat de ce travail sera récompensé lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1855 ou un de ses albums recevra la médaille de seconde classe.
Carol Popp de Szathmari remettra alors personnellement un album à la Reine Victoria et à l’Empereur Napoléon III.
(Où est cet album en France ?)
Qui était Carol Popp de Szathmari ?
Né en 1812 à Cluj au temps de l’empire austro-hongrois, Carol Popp de Szathmari a été tres vite reconnu comme peintre à succès, après avoir passé quelques années dans l’administration impériale de Vienne comme fonctionnaire.
Il voyagera en Suisse, Allemagne et Autriche jusqu’à son installation à Bucarest en 1843 en tant que peintre de la Cour. Il gardera ce titre de peintre et photographe de la Cour sous cinq dirigeants : Ghica, Bibescu, Stirbei, Ioan Cuza, Carol I.
Dès 1840, il aura mis en pratique le procédé de la daguerréotypie en utilisant l’appareil apporté de Paris par Petrache Poenaru au collège Saint Sava de Bucarest.
Pratiquant les deux arts, peinture et photographie, il ouvrira son studio à Bucarest en 1847 exécutant la première calotypie connue en Roumanie en 1848 (conservée à l’Academie roumaine) et la première image de Bucarest, toujours en calotype en 1850.
En 1862, il dédicacera un album de 55 photos avec vues panoramiques et aspects pittoresques de la capitale Bucarest à Madame Elena Cuza « Princesse régnante de la Roumanie » (en français dans le texte).
NB : Par décret signé de A.I.Cuza, la photographie sera reconnue comme Art en 1864, deux ans après Paris
Dans son studio bucarestois, il invitera des paysans et commerçants ambulants à venir poser dans l’atelier pour ainsi réaliser un fond de documentation qui lui servira à ses dessins, lithographie ou peintures.
Ne se contentant pas de la photographie de studio, il voyagera avec son matériel encombrant vers la vallées de l’Olt, la Transylvanie, à l’etranger vers les espaces lointains : La Perse et jusqu’en Chine où il sera nommé photographe de la cour par le prince Talifu. Il n’acceptera pas d’y rester !
Il accompagnera Franz Liszt en Moldavie, Bucovine et Russie.
Cet artiste aura pratiqué tous les genres photographiques du portrait au paysage, de la scène de genre à l’essai etc …, et toujours photographe au coté du peintre national Nicolae Grigoresu, lors de la guerre d’Independance de 1877.
S’établissant à Cluj, il y ouvrira alors son dernier studio.
Carol Popp de Szathmari décédera le 3 jullet 1887 et sera enterré à Bucarest.
Malheureusement, une grande partie de son oeuvre et ses archives disparaitront lors du bombardement d’aout 1944 de Bucarest, la maison qu’il habita rue Biserica Enei étant détruite.
S’il a reçu la reconnaissance en son temps par ses clients et par les têtes couronnées Carol 1er et la reine Elizabeth, la reine Victoria et l’empereur Napoleon III, il est injuste que si peu d’historiens de l’histoire de la photographie n’aient reconnu encore la place du roumain Carol Popp de Szathmari : Premier Photographe de Guerre au monde.
Helmut Gernsheim dans son « A concise History of Photography » mentionne rapidement le photographe comme étant un amateur de Bucarest qui aurait photographié les prémisses des hostilités et dont les images auraient été détruites…. !
Ses images se trouvent au cabinet des estampes de l’Académie roumaine, dans diverses collections des musées d’histoire, Beaux Arts et collections particulières…
Il faut rendre justice à Raymond Lecuyer dans l’Histoire de la Photographie et à Baschet et Cie de l’avoir expressement mentionné dès 1945. Remerçions également les historiens roumains G.Oprescu, C. Savulescu , Adrian Silvan Ionescu et Horia Budaru entre-autres pour avoir mis en lumière depuis, dans la presse nationale, l’oeuvre méconnue au niveau mondial de cet artiste peintre, poète, voyageur, polyglotte et photo-reporter roumain.
Bibliographie :
- Esquisses photographiques à propos de l’exposition universelle et de la guerre d’orient
- Ernest Lacan. Paris 1856
- Histoire de la photographie. Raymond Lecuyer .Baschet et cie .Paris 1945 p110
- A concise history of photography Gernsheim. Thames and hudson .London 1965
- Scrieri despre arta G.Oprescu .Edit meridiana. Bucuresti 1968
- Cronologia ilustrata a fotografiei din Romania .C. Savulescu. AAF. Bucuresti 1985
- Muzeul de arta Craiova . P.Rezeanu Edit Arc 2000
- Muzeul National de Arta. Cluj
- Revue Fotomagazin 2006 Horia Budaru
- Despre debutul fotografiei in Romania .D.Voina Muzeul Astra .Sibiu 2007
- Cateva repere din historia fotografiei pe teritoriul romaniei. J.Mesia .Muzeul Bruckenthal Sibiu 2007
- Arta portretului I fotografia secolului al xix lea adrain-silvan Ionescu.1987
- La Roumanie en images. Paris janvier 1922
- Histoire de la photographie.Camfied et Deirdre Wills Editions Princesse Paris 1980
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