Pratique du moyen format argentique en studio – Livre blanc par Rémy Gautard
Plusieurs photographes de notre association ont attrapé le virus, ils ont opté pour le moyen format argentique !
Ce petit texte a pour but de vous sensibiliser aux appareils et à leur utilisation en studio, leurs avantages et inconvénients, différences par rapport à un reflex numérique.
Comme vous le savez certainement les appareils moyens formats numériques et leurs accessoires sont fabriqués à très peu d’exemplaires. Ils sont hors de prix et le gain en qualité d’image (les capteurs mesurent moins de 37 x 49mm), par rapport à un reflex numérique haut de gamme (un 36 ou un 50 MP MP par exemple), n’est pas flagrante.
Pour l’argentique c’est une toute autre histoire. Les studios photo professionnels, pour des raisons de rentabilité, ont quasiment tous migrés vers le numérique ceci à notre plus grand bonheur. Nous trouvons sur le marché, en occasion, un nombre très élevé de boitiers MF à des prix vraiment attractifs. Ainsi les MF présentent le paysage le plus varié comparé à l’uniformisation des boitiers 24x36mm, la diversité de leurs formes physiques et optiques présente une rafraichissante variété.
Je me devais de vous informer de cette opportunité sachant que le vaste stock actuel de reflex MF argentique sur le marché n’est pas éternel.
Je vais commencer par les points négatifs ce qui pourra éventuellement vous détourner définitivement de cette approche :
- Les boitiers MF argentique les plus adaptés au studio sont lourds et peu utilisables à main levé ; dans 90% des cas vous travaillerez sur trépied
- Vous avez l’habitude de réaliser 250 photos lors d’une séance avec votre reflex numérique. En argentique vous vous limiterez à quelques 3 à 6 rouleaux format 120 de 12 ou 10 poses ce qui fait au total un maximum de 72 images
- Vous préférez la couleur : bien qu’il soit tout à fait possible de réaliser de très belles images en couleur, le prix de revient de chaque image s’envole : en effet en plus des films qui coûtent 2 à 4 fois plus cher vous devrez confier vos pellicules à un bon labo ce qui ne court pas les rues
- Vous êtes pressé, la post-production n’est pas votre truc. Une fois la prise de vue réalisée le travail ne fait que commencer : il faudra développer vos films noir et blanc, les numériser. Ensuite et seulement commence les retouches (avec Photoshop ou GIMP) à moins bien sûr de disposer d’un labo argentique personnel agréable et performant , ce qui n’est pas une mince affaire à installer et à maîtriser : n’est pas tireur qui veut !
L’approche du sujet et le rendu sont très différents de ce que vous avez l’habitude en numérique
– Concernant l’approche : le fait de travailler sur trépied ajouté à l’autonomie très limitée des films 120 (12 poses en 6×6, 10 en 6×7) ralentit énormément la prise de vue mais vous allez naturellement faire beaucoup plus attention à votre travail. Vos exigences s’élèvent vis-à-vis du modèle, mèche de cheveux placé au bon endroit, cadrage précis, éclairage peaufiné, on surveille les ombres, déclenchement au bon moment pour saisir une expression… en résumé le pourcentage de bonnes images va augmenter drastiquement ; le jeu consiste, par exemple, à réaliser dix belles photographies sur chaque pellicule pour approcher les 100% de bonnes voire très bonnes images ce qui est réalisable en studio.
– Le rendu : je me souviens des commentaires d’un ancien photographe du Studio Harcourt. Il faisait l’éloge des photographies MF produites avant les années 1990 ; l’appareil de référence était le très classique Mamiya RZ67 équipé d’un objectif 110 mm utilisé surtout à F4 (donc avec une profondeur de champs réduite) comme apportant plus d’effet de relief, de velouté et de subtilités avec des tons tout en finesse avec des beaux flous naturels et progressifs… J’ajouterais que le N&B argentique permet des rendus très différents suivant les films et le traitement que vous choisissez.
Quelles sont les principaux boitiers disponibles actuellement ?
Les formats existants sont le 4.5×6, 6×6, 6×7, 6×8, 6×9 cm. En plus de la grande variété de boitiers reflex et d’optiques, on peut considérer que deux formats sont particulièrement intéressants ; le 6×6 pour sa spécificité et l’attrait du format carré, le 6X7 (négatif qui mesure 56.5mm X 69.5mm) qui reste un format très agréable et immédiatement reconnaissable.
Boitiers usuels sur le marché de l’occasion
Format : format du négatif. Sur film 120 vous pouvez réaliser 12 images en 6×6, 8 images en 6×9, 10 images en 6×7, 16 images en 4,5×6
Poids : certains appareils comme le Pentax 6×7 ou le Mamiya RB / RZ sont inconfortable à main levée ; trépied quasi obligatoire
Accessoires : nombre d’accessoires disponibles (objectifs, verres de visée, dos, poignée…)
St : utilisation idéale en studio
♥ : cote d’amour.
Référence | Format | Qualité image | Viseur | Accessoires | Poids | St | ♥ |
ROLLEIFLEX F PLANAR 3.5 | 6×6 | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥ | ♥♥♥♥♥ |
ROLLEI SL 66 SE | 6×6 | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥ |
PENTAX 645 | 4,5×6 | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥ |
PENTAX 6X7 II | 6×7 | ♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥ |
MAMIYA 6 | 6×6 | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥ | ♥♥♥♥ |
MAMIYA 7 II | 6×7 | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥ | ♥♥♥♥ |
HASSELBLAD 500 C/M | 6×6 | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ |
FUJI GS 645 | 4,5×6 | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥ | ♥♥ |
FUJI 690 GW | 6×9 | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥ | ♥♥♥ | ♥ | ♥♥♥ |
YASHICA 124 G | 6×6 | ♥♥♥ | ♥♥♥ | ♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥ | ♥♥♥ |
MAMIYA C330 | 6×6 | ♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥ | ♥♥♥ | ♥ |
MAMIYA RB67 | 6X7 | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ |
MAMIYA RZ67 | 6X7 | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥♥♥ |
LINHOF Super Technica | 6×9 | ♥♥♥♥♥ | ♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥ | ♥♥♥♥♥ | ♥♥♥ |
Choisir la bonne focale
En plus de la qualité de l’objectif il faut choisir la bonne focale qui se situera idéalement, pour pratiquer aussi bien le nu que le portrait ou la mode, autour de 65 à 85mm (en équivalence FX) ce qui donne environ 127mm pour un 6×7, 120mm pour un 6×6. En effet avec un moyen format, la focale standard (75 mm en 6×6) n’est pas très agréable à l’usage.
L’Hasselblad 500C c’est un peu la Rolls du 6×6 reflex mais attention il est un peu ancien. Il vous faut donc trouver un appareil en parfait état, d’autant que les pièces détachées pour une éventuelle réparation commencent à devenir rares. Comptez 700 euros avec l’excellentissime objectif standard : le Planar 80 mm F2.
Mamiya RB67 et Mamiya RZ67 sont des très bons choix pour le studio. Boites à outils increvables avec de belles optiques et destinés avant tout au studio, une petite préférence pour le RB qui est 100% mécanique. Comptez 300 euros pour le RB67 avec un 90 ou un 127mm, comptez 400 euros pour le RZ67 avec un 90mm.
Les films et leur traitement
Il existe toujours de très nombreux films 120 en noir et blanc (les films négatifs et inversibles couleurs subsistent également). Les principaux fabricants sont ILFORD, KODAK, FUJI, FOMA, EFKE… En studio, il est facile de travailler au flash à 100 Iso. J’ai retenu la FOMA 100. Si vous utilisez la lumière continue vous pouvez opter pour une 400 Iso : la KODAK Tri-x par exemple. En moyen format le grain reste toujours contenu.
Mamiya RB67 SD + 127 mm à F8 FOMA 100 dév. dans du rodinal 1+25, éclairage flashs
La Tri-X 400 poussée à 800 Iso a été choisie pour le thème de lumière psychédélique objectif 127mm à F5,6 1/15 s. Appareil sur trépied évidemment !
Le développement des films 120 N&B est à la fois une opération facile et économique. Il vous faudra soit une pièce parfaitement noire soit utiliser un manchon de chargement :
- La seule (petite) difficulté est d’introduire le large film 120 dans la spire !
- Pour développer il vous faut deux produits : le révélateur et le fixateur
- Le fixateur permet la conservation de l’image et n’a pas d’impact sur le rendu final
- Le révélateur est tout aussi important que le film car il va agir sur de nombreux paramètres (contraste, courbe de noircissement, acutance, grain, sensibilité du film, détails dans les hautes et basses lumières…).
La numérisation et le tirage jet d’encre
Pour numériser vos négatifs vous avez 4 possibilités :
- utiliser un reflex numérique > 20 MP avec un objectif macro
- acheter un scanner à plat (ex : Epson V700…) coût : 500 euros environ
- utiliser un scanner à film (ex : Nikon Coolscan 8000…) : coût 1200 euros environ
- faire appel à un labo (ex : Négatif+).
Une fois votre photo finalisée avec votre logiciel de retouche, une bonne imprimante jet d’encre (A3+ voire A2 pour profiter de la qualité du MF) optimisée pour le noir et blanc et bien calibrée permet de réaliser de splendides agrandissements (que votre entourage va vous envier !).
J’ai retenu deux excellents papiers barytés jet d’encre :
- un des remplaçants du ILFORD GOLD FIBRE SILK, support épais et satinée : par exemple le CANSON BARYTA PHOTOGRAPHIQUE
- le HARMANN GLOSS BARYTA, support brillant le plus proche des vrais papiers argentiques traditionnels (vendu par Hahnemühle).
En résumer et pour mettre toutes les chances de votre côté
Comme toujours en argentique, et plus encore en MF il faut plus d’investissement personnel qu’en numérique pour en tirer tous les fruits :
- prévoir un deuxième objectif et un pare-soleil (télé notamment pour le portrait)
- être parfaitement à l’aise avec toutes les commandes pour ne pas faire attendre le mannequin qui ne manquera pas de s’impatienter
- travail sur trépied obligatoire (il faut aussi connaître la maniement de sa rotule pour être à l’aise)
- être sûr de sa mise au point (voir porter des lunettes correctrices comme moi si nécessaire)
- une fois choisi, utiliser toujours le même film (un 100 iso si possible)
- maîtriser parfaitement le développement et le tirage (qu’il soit 100% chimique ou avec numérisation / post-traitement / tirage jet d’encre).
Vous souhaitant une bonne continuation et restant à votre écoute pour toutes questions éventuelles.
No Comments
Sorry, the comment form is closed at this time.