Jean-Loup Sieff (1933 – 2000)
Jean-Loup Sieff est né le 30 novembre 1933 à Paris de parents d’origine polonaise.
Il étudie à l’école primaire à Paris et poursuit ses études secondaires aux lycées Chaptal et Décours ou il obtient le bac de philosophie.
Débuts en photographie, formation
Il entame de courtes études de lettres (2 semaines), commence des cours de photographie à l’école de Vaugirard où il ne restera que 3 semaines puis à l’école Vevey en suisse où son séjour se limitera à 7 mois et fréquentera le centre de formation des journalistes une dizaine de jours !
Lors d’une interview, Jean-Loup Sieff répond à la question rituelle : pourquoi faites-vous des photographies ? Il répond : « c’est parce qu’ on m’a offert un appareil photographique ».
C’est vrai qu’il a commencé à faire des photographies à l’âge de 14-15 ans après avoir reçu un appareil comme cadeau d’anniversaire. II ajoutera qu’il fait des photos pour « arrêter la fuite du temps » et que sa véritable motivation est « le plaisir » et que dans toute activité, il y a la raison première, spontanée, irréfléchie, puis la réflexion sur sa finalité. Il ne faut pas que cette dernière vienne occulter, voire remplacer ce qui l’engendrera.
Pour Jean-Loup Sieff l’art n’existe pas, seuls les artistes existent « Toute création passe par une technique mise au service d’un résultat satisfaisant pour les sens. Bonheur des formes, des couleurs, des mots, de l’oreille, du toucher…Il y a des photographies qu’on a envie de caresser de l’œil !
Mes photographies ne sont ni militantes, ni objectives, je ne témoigne de rien, n’ai aucun message à délivrer, ni point de vue à faire valoir. »
Pour échapper à l’ennui du lycée, il se passionne pour la lecture, notamment pour l’écrivain Marcel Proust. Il avait décidé d’être metteur en scène de cinéma et fréquentait avec une égale passion le photo club et le ciné club de Clichy.
Première parution, premiers contrats
En 1950, à l’âge de 17 ans, sa première photo fut publiée dans photo-revue. En 1954-55, il débute ses premiers reportages : « le dimanche des jeunes filles célèbres » ou il interview et photographie Françoise Sagan et Marina Vlady. Lors de la publication, ses textes furent coupés et ses photos recadrés. Il ne l’accepta pas et ce fut le début de son combat pour le respect des images. De 1955 à 1958, il fut engagé au magasine « Elle » ou il fit des portraits, des reportages et des photos de mode.
Tout en se remémorant cette période, Jean-Loup Sieff écrit : « Ce fut ainsi la fête jusqu’en 1958, je faisais des photos de mode que je trouvais révolutionnaires, allais de temps à autre faire des reportages pour m’aérer la tête, vivais au dessus de mes moyens et j’eus 25 ans sans m’en apercevoir. » En 1958, il démissionne du magasine « Elle », et veut retrouver les joies du reportage et décide de rejoindre l’agence Magnum qu’il finira par quitter en 1959.
De 1959 à 1961, il travaille à la « pige » pour différents magasines et il s’établit en tant que photographe indépendant. Il débuta les années 1960 au « jardin des modes » ou il retrouve Franck Horvat et ou il réalise ses premières photos de mode.
De 1961 à 1966, Il part pour New York et collabore avec Look, Glamour, Esquire et Harper’s Bazaar. Parallèlement, il travaille pour l’Europe avec Vogue, twen et Queen.
En 1961-1962, il illustra son premier livre : Le Ballet ou il renoua avec le monde de la danse qu’il aimait. Il écrit « je pus ainsi rencontrer et travailler avec des gens dont le corps est l’outil et le moyen d’expression… ». Il écrira plus tard : « Que sont devenus ces coryphées anonymes que je photographiais en 1960 sur les escaliers déserts que je gravis aujourd’hui ? Pour celles et ceux dont le corps est l’instrument, les années filent vite, si vite, et les applaudissements résonnent encore que leur présence n’est plus qu’un souvenir. Mais tant qu’il y aura une petite fille enfilant son premier tutu, ces fantômes vivront dans la mémoire que se transmettent les générations pour se convaincre que seul l’éphémère de l’art est immortel ».
Ses racines étaient à Paris et il y acheta l’atelier de ses rêves en 1966 et rentra définitivement à Paris. Il commença à participer à des expositions, à recevoir des médailles des pays lointains et à être publié dans les revues photographiques.
Début des années 1970 : Il vivait avec ses chats abyssins, travaillait pour Vogue français, photographiait avec son Leica et travaillait avec une jeune modèle allemande Barbara qui s’installera avec lui et qui sera la mère de ses deux enfants.
Il y a les derrières rares, élégants, aristocratiques…
Il écrit en juin 1974 : « Faire un portrait consiste, le plus souvent, à représenter un visage ou un buste dans un environnement familier ou neutre. Or le visage est la partie la plus exposée, la plus visible, la plus utilisée dans la vie sociale. Il est devenu ce masque hypocrite auquel on peut faire exprimer ce que l’on veut, qui peut rire lorsqu’on est triste, paraître intéressé quand on meurt d’ennui, être de marbre quand on bouillonne de passion.
C’est une des raisons pour lesquelles j’ai commencé à m’intéresser aux derrières. C’est en effet la partie la plus protégée, la plus secrète, celle qui conserve cette innocence enfantine que le regard ou les mains ont depuis longtemps perdue. C’est aussi, la partie du corps, plastiquement, la plus émouvante, faites de rondeurs et de promesses…. » « Il y a les derrières rares, élégants, aristocratiques, qui dépassent leur fonction, la subliment, deviennent objets d’art, chefs d’œuvre, miracles de la nature. Ce sont les voûtes romanes de l’architecture corporelle, qui permettent de retrouver la foi originelle en une femme à l’image de Dieu. Ce sont ceux-là que j’aime photographier, pour en conserver à jamais les courbes miraculeuses… ».
Il écrit en juillet 1979 : « La photographie est passée directement du sourire du bébé au musée d’art moderne sans passer par l’âge adulte. »
Naissance de sa fille Sonia le 27 septembre 1979 et de son fils Sacha le 20 mai 1981.
La femme idéale pour J .L .Sieff est longiligne et fine, fine…..on la retrouvera dans ses photographies.
Il écrit que c’est dans les années 1980 que les grandes batailles pour ou contre la photographie artistique, créative, conceptuelle, minimale, engagée ou autobiographique battirent leur plein.
Les expositions se succédaient et il accepta de faire une grande rétrospective au musée d’art moderne de la ville de Paris en 1986.
Il s’éteint le 20 septembre 2000 à l’âge de 67 ans.
JeanLoup Sieff et la pratique du tirage noir et blanc
Comment avez-vous rencontré Jean-Yves Brégand ?
Vos tirages paraissent très travaillés au laboratoire, ne dit-on pas, par exemple, des «ciels à-la-Sieff»?
Vous êtes connu pour apporter une attention particulière aux tirages de vos images, comment situez-vous cette étape dans votre travail ?
Pourriez-vous préciser cette notion de «couleur» du photographe ?
Au delà de ce domaine de compréhension établi entre vous et votre tireur; quelle est la part de libre arbitre de son intervention, voire la marge de ses interprétations? Existe-t-il, pour vous, une importance hiérarchique entre le tirage et la prise de vues ?
La «couleur», votre «couleur, n’est-ce pas là, la reconnaissance de votre style? N’est-ce pas une notion réductrice de votre œuvre ?
Citations de Jean-Loup Sieff
- « Mes photos sont autant de petits cailloux noirs et blancs que j’aurais semé pour retrouver le chemin qui me ramènerait à l’adolescence »
- « J’ai toujours refusé le recadrage, par discipline personnelle, considérant que l’inscription dans un espace donné étant aussi importante que ce que l’on photographiait. S’il faut recadrer, c’est que l’on était au mauvais endroit ou à la mauvaise distance, donc que l’image n’est pas bonne. »
- « A trop vouloir analyser, on tue l’émotion. »
- « Jamais la photographie ne pourra retranscrire avec fidélité tout ce que j’ai pu vivre et ressentir mais elle a sa vérité propre, différente, que je découvre toujours avec étonnement et surprise comme si j’en étais plus le responsable. »
- « Dans toutes les photographies, c’est bien du temps qu’il s’agit ; du temps qui glisse entre les doigts, entre les yeux, du temps des choses et des gens, du temps des lumières et des émotions, du temps, qui jamais plus, ne sera comme avant. »
- « Toute ma vie j’aurai recherché le temps perdu, longtemps je me serai retourné sur ce qui fut, mais si j’ai prétendu le faire pour me souvenir, c’était, sinon faux, du moins prématuré, car je ne photographiais que pour me faire plaisir, même si je pleurais ensuite ce plaisir enfoui auquel mes visages me renvoyaient. Chaque image est indissociable du temps qui passe, et qu’elle conserve, un peu. »
- « Sans lumière pas de volumes, pas d’ombres, pas de vie, pas d’images. C’est pour cela que la photographie est une création récente, dans la nuit des temps elle ne pouvait exister ! »
- « Ombre et lumière, jour et nuit, blanc et noir, jumeaux siamois condamnés à vivre ensemble parce qu’indissociables l’un de l’autre »
Matériel photo et film utilisé par Jean-Loup Sieff
- Leica M6 équipé surtout d’un 21 mm et d’un viseur extérieur
- La majorité de ses photos ont été prises avec de la Kodak Tri-X développée dans du révélateur Kodak D-76 dilution 1+3 le plus souvent pour un bon compromis entre grain et acutance
- En studio : Hasselblad 6×6 500 C équipé principalement d’un objectif 150 mm
- A ses débuts il a utilisé un rolleiflex bi-objectif (voir ses autoportraits)
- Il semble qu’il ait aussi un peu utilisé un reflex Nikon FE2 avec un objectif AIS F1.4 de 85 mm, également un Nikon F3 + objectif 28 mm comme sur cette vidéo de1987
- Jean-Loup a aussi beaucoup pratiqué le labo (surtout pendant la 1ère partie de sa carrière), il était un excellent tireur !
Ses photographies se trouvent dans les collections suivantes
- Bibliothèque nationale de France à Paris
- Maison Européenne de la Photographie à Paris
- Musée d’Art moderne à Paris
- Fonds national d’Art contemporain à Puteaux
- Centre Georges Pompidou à Paris
- Fondation Cartier pour l’art contemporain Paris
- Collection de la FNAC
- Musée Réattu (Arles)
- Musée Sterxhof (Belgique)
- Musée de Toulon
- Musée collection Lhoist (Belgique)
- Moderna Museet Stockholm (Suède)
- Corani Art Museum (Japon)
- Tokyo metropolitan muséum of Photography (Japon).
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